samedi 2 janvier 2016

Poème en prose : Le corps est en trop

Poème du jour : Le corps est en trop 

Par : Claude Donnay

Et la bouche n'est plus qu'un orifice, 
une béance où l'air hésite à s'engouffrer. 

Le corps se cabre de souffrance ou de plaisir, 
se heurte au silence – pas même un mur de pierre 

une lame nue que le soleil aguiche 
une plage un homme le destin serré dans son poing 

que ses doigts s'ouvrent et la mort avalera tout le bleu du ciel.
Mais la bouche arrondie sur son cri laisse l'air emporter les oiseaux. 
Désormais le corps est en trop.
Claude Donnay - poète
Claude Donnay dans le corps est en trop

Commentaire :

Ce texte poétique en prose répond parfaitement aux principaux critères du genre dont la forte condensation des images qui, comme on le voit, se succèdent à un rythme rapide dans un espace très restreint (on peut en compter facilement huit), le caractère irréel et abstrait de la plupart de ces images (une lame nue que le soleil aguiche - un homme le destin serré dans son poing - la mort avalera tout le bleu du ciel - la bouche arrondie sur son cri laisse l'air emporter les oiseaux …) et le rythme interne très intense engendré par l’usage des parallélismes verbaux et grammaticaux (se cabre de souffrance… se heurte au silence - un orifice, une béance - de souffrance ou de plaisir - une lame nue / une plage /un homme) et enfin l’asyndète ( suppression des conjonctions à part une seule : « mais » ).

Sur le plan thématique, ce poème nous rappelle l’image de l’égo humain qui , enveloppé dans une sorte de pli , ressemble , selon Gilles Doleuze, à une chambre baignant dans l’obscurité mais qui, grâce à des ouvertures imperceptibles, peut parfois accueillir une lumière faible qui lui permet d’avoir accès à l’extérieur du corps (la bouche n'est plus qu'un orifice, une béance - désormais le corps est en trop).A l’intérieur de ce pli noir, l’âme de l’être humain abrite le Mal , lequel est capable à tout moment de libérer des forces destructrices qui anéantiraient le monde, mais heureusement que la force du Bien qui l’habite aussi le pousse à tenir bon ( un homme le destin serré dans son poing – que ses doigts s'ouvrent et la mort avalera tout le bleu du ciel). Et c’est ainsi que grâce à cette lutte interne contre le mal , il arrive parfois au Moi de se libérer aussi bien des contraintes du ça ( la partie pulsionnelle de la psyché humaine ) que celles du corps (la bouche arrondie sur son cri laisse l'air emporter les oiseaux. Désormais le corps est en trop).

Un poème ultramoderne mais écrit avec une grande rigueur et une sensibilité esthétique très aiguisée .Bravo Claude !

Lire aussi : L'infinie solitude.

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