lundi 6 mars 2017

Une Partie De Moi Vient De Mourir

Résumé :
L'auteur revient sur sa vie, son passé, un amour qui l'a marqué...

Une Partie De Moi Vient De Mourir

Ecrit par Karasjoo
Histoire d'un homme triste
Si seulement j’avais su !…..
Je viens de comprendre, maintenant. Cette phrase.
Seulement maintenant, Liv….


Je ressens toujours cette même solitude au fond de moi. Le sentiment d’avoir raté quelque chose dans ma misérable vie déjà bien bancale. J’ai l’impression que je ressentirai toujours cela. Quand j’ai eu une personne à laquelle je tenais, toi, et Eva, quand j’ai eu certains moments, soit la vie m’a tout enlevé, soit ma pauvre jeunesse m’a aveuglé sur les instants que je vivais. Car je n’avais pas compris à l’époque qu’il fallait que je vive certains moments. Certains, peut-être plus que d’autres. Car on ne peut pas tout vivre intensément. Il y a des hauts et des bas. C’est alors que peu à peu, certaines choses allaient m’échapper à jamais. Sans que je résiste. Sans que je bouge. Sans même que je m’en aperçoive.


Si jeunesse savait. Si vieillesse pouvait. Cela sonne tellement vrai à présent pour moi.
Je regarde ces vieilles photos où je me rappelle certains épisodes de mon enfance. Les rares photos que j’ai conservé de moi. Les rares photos que je n’ai pas jeté ou brûlé. C’est étrange, car je ne suis pas si vieux que ça. Seulement j’ai l’impression d’avoir vieilli trop vite, et j’ai du être obligé d’être confronté très tôt à de graves questions. Trop tôt. Trop de questions. Trop de graves problèmes. Et j’ai du fuir. Et c’est en fuyant que j’ai beaucoup perdu, à mes yeux. Mais avais-je le choix ? Non. Au vu de mes problèmes, dans la famille, hors de la famille, je ne pense pas que j’avais le choix.
Et pour moi, ces photos sont comme des fantômes. Des âmes mortes. Des souvenirs d’instants irrécupérables.


Je regarde l’une d’elles, où je semble heureux. Je souris. Je suis assis auprès d’une personne d’environ soixante-dix ans. Un couple qui était ami avec ma grand-mère, mais avec qui je m’entendais bien. Je suis assis avec lui, sur un banc de pierre. Derrière, des arbres et de la pierre. Le soleil semble taper fort. Je porte un manteau. Peut-être est-ce la photo qui me trompe. Peut-être y avait-il du vent. Je ne sais pas. Je regarde la photo. Et je me souviens de ce temps-là. Je devais avoir huit ans. Je me souviens que j’allais souvent me promener dans les bois qui dominaient les champs à perte de vue, en bas de mon village. Le couple habitait une maison, au bout d’un très long chemin, et derrière laquelle s’étendait également quelques arbres qui semblaient être pour moi une sorte de clairière. Mais je ne crois pas que c’en était une. Je me souviens que j’ai grandi en partie dans cet endroit, en pleine campagne. Et que du balcon, je pouvais dominer tous ces champs bordant ces bois. La vue était magnifique. Je me souviens également que ma chienne a été enterrée juste derrière la maison, près d’un des arbres. Je me souviens que j’allais assez souvent passer un après-midi chez eux. Mais je ne voyais pas encore l’importance que ça allait avoir pour moi. En fait, comme tout enfant, je suppose, je venais passer ces moments-là, un peu indifféremment. J’allais chez eux. Je revenais chez moi. Je me souviens que j’étais assez content de venir chez eux. Ça me permettait de fuir ma mère et ma grand-mère avec qui j’ai vécu jusqu’à dix-huit ans, avec qui je ne me suis jamais entendu. Mais au fur et à mesure que les visites s’accumulaient, je devenais de plus en plus indifférent. A tel point que je restais cloîtré chez eux à regarder la télé. Pourtant, après ta mort, toi, la seule fille que j’aimais, je commençais à m’apercevoir que je tenais à cet endroit. Seulement, je n’ai pas su profiter de ces moments. Je n’ai presque jamais été capable de vivre quelque chose, ou de ressentir quelque chose ouvertement. Je renfermais tout en moi.

Sauf avec toi, et Eva, ta mère, également, avec qui je m’entendais très bien. Elle est morte, elle aussi. Aurais-tu donc réussi à faire sortir mes sentiments hors de moi? Il me semble bien. Tu es la seule personne que j’ai aimé. Et je considérais ta mère comme ma mère adoptive et spirituelle. Peut-être était-ce tout simplement avec toi, avec vous, que je me suis permis de ressentir quelque chose. Extérieurement. Pour l’une des rares fois de ma vie.

Je me souviens, on me disait froid comme de la glace. Je ne souriais jamais. J’avais l’air toujours malheureux. Je n’ai presque jamais réussi à pleurer physiquement. On voyait bien que je pleurais intérieurement, mais les larmes ne coulaient que rarement. Peut-être trop rarement. J’ai toujours eu l’impression d’avoir eu trop de choses en moi à porter pour pouvoir me permettre d’y poser une couleur ou un sentiment. Mon amitié si courte avec Kristina, quand j’avais douze ans, m’a énormément marqué également. Elle est décédée très jeune, elle aussi, et c’est depuis très longtemps un énorme poids à porter.

J’ai tellement de plaies à refermer !….
Et malheureusement, j’ai encore et toujours des plaies qui s’ouvrent. Ou qui se rouvrent. Quoi que je fasse.
Je regarde cette photo. Je souris. Mais je ne me reconnais pas. Il y a longtemps que je ne suis plus ce garçon souriant que j’ai trop rarement été.

Le vieux couple a vendu leur maison et a finalement déménagé près de Paris et a quitté définitivement ma Provence natale. Des inconnus se sont installés à cet endroit et ont tout reconstruit.
Je me souviens que je me suis récemment promené, un été, et je suis passé devant chez eux. Beaucoup de choses avaient changé avec l’arrivée des nouveaux occupants. L’envie me démangeait de venir chez eux et de leur demander la permission de venir sur le balcon pour admirer la vue au-dehors. Seulement, ce n’était pas possible. Et ce n’était là qu’une infime partie de la désolation que j’ai ressentie. Car dans mon esprit, le vieux couple était devenu un fantôme, hantant ces lieux, en moi, pour toujours. Comme tous ces souvenirs, toutes les choses que j’ai pu vivre ici, et qui ont ressurgi à la surface à la vue des nouveaux occupants de la maison, à la vue de la piscine qu’ils ont construite dans le terrain qui m’était si familier, et qui vient me hanter à présent, tel un chevalier chargeant sa victime.

Car pour moi, le vieux couple vit toujours ici. Au bord de cette petite route de campagne où les champs et les bois remplissent le paysage à perte de vue. Des champs de tournesol, de blé. Les traverser était à présent devenu quelque chose de spécial. J’avais raté quelque chose. Comme si mon enfance était morte. Tout ce que je peux retenir de mon enfance aura été cet épisode avec Kristina, ces trois années avec toi…Rien d’autre d’agréable ou d’intéressant. Toujours ce même dégoût de vivre, dans ma famille où je me sentais mal et que j’ai fini par quitter. Si j’avais su, j’aurais pu retenir davantage de choses de mon enfance.

Car je sais bien que je n’aurai pas de deuxième chance pour revivre ce que j’ai vécu.
Ma chienne est toujours enterrée près de l’arbre derrière cette maison. C’est également ici qu’une partie de moi vient de mourir. Je n’ai rien pu faire contre ça. Je n’aurais rien pu faire. Car ce n’est que maintenant que je me rends compte de l’importance de certains moments. Mais le pire, dans tout ça, c’est qu’il m’est quasiment impossible de savoir quels moments vivre plus intensément que d’autres, parmi des moments qui me semblent tous aussi banals les uns que les autres. Je ne peux pas m’en apercevoir. Je ne m’en rends compte que bien plus tard de l’erreur que j’ai commise. Mais je ne sais même pas si je dois qualifier cela d’erreur…

On vit, et on regrette de ne pas avoir fait, de ne pas avoir dit, de ne pas avoir su. Mais le retour en arrière est impossible. Parce que je n’ai pas vécu. Mais aussi, je ne pouvais peut-être tout simplement pas vivre. Peut-être.

Pourtant, j’ai pu vivre pleinement ma vie à tes côtés. Peut-être parce que nous souffrions tous les deux. Mais il y a une chose que je sais. Un lieu, une chose que je dois faire, pour ne pas avoir à regretter la seule chose qu’il me reste et que tu m’as gracieusement offerte. Ma seule raison de vivre. Toi. L’océan de glace où tu reposes. En espérant d’avoir la force de vivre……pour toi…...pour nous……..notre rêve………notre promesse…..ma chérie…….
Je vais revenir…
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