Poème du jour : Je me tiens debout aux confins de la mort
Par : Rachel Chidiac - Poétesse libanaise.
Je vois en toi un rêve à saveur de vie fuyante
Le mirage m’enlève
Et me pose en face d’une patrie sans superficie
Les miroirs de ma privation se multiplient
Ni la joie pousse des you you
Enflammant mon ciel
Ni le sanglot embaume
Les plaies des lieux déserts
Ou intercepte le passage d’une hirondelle
Offre-moi le printemps
Des lèvres d’une cascade affectueuse
Offre-le-moi d’un baiser de roses
Trahies par l’hiver et regardant
Tout orgueilleuses et admiratives
Offre-le-moi des ruisseaux
Étreignant les rigoles,
Entravant le voyage , l’asséchant
En un instant de répit errant
En un quelconque arrêt
La tristesse a passé par moi
M’habillant d’épines
Tends-moi ta main
Ôte la bride du désespoir
La mort est une quintessence
Et moi je suis passée toute noble
Sur les os du temps
J’ai fait don de ma richesse
A la vicissitude de mon sort
J’ai brodé avec mes larmes
Des soupirs exhalant une odeur suave
Commentaire et Analyse :
Presque spécialisée depuis ses débuts dans le genre amoureux spirituel et fusionnel, la poétesse libanaise Rachel Chidiac consacre tous ses écrits à son bien-aimé, à la manière des poètes udhrites du premier siècle de l’hégire. Et étant donné que son expérience poétique s’étale sur toute sa vie de jeune puis d’adulte, ses sous-thèmes bien qu’ils gravitent toujours autour des mêmes préoccupations , se colorent selon les circonstances changeantes de la vie qui engendrent évidemment des états d’âme extrêmement différents allant de l’extase à la détresse.
Dans ce nouveau poème, c’est le côté négatif qui l’emporte, par la domination d’un flot d’émotions amères et obscures exprimées sous forme de reproches et dont la locutrice fait état tout au long du texte , tout en l’entrecoupant à partir du 12ème vers par des supplications, faisant ainsi passer son discours de ce que John Austin a appelé « comportatif » c.à.d. un acte illocutoire visant à critiquer ou déplorer (les miroirs de ma privation se multiplientni la joie pousse des you you enflammant mon ciel ni le sanglot embaume les plaies des lieux déserts ) à ce que John Searle « directif » c.à.d. ici un acte exprimant la demande (Offre-moi : 3 fois- tends-moi ta main - ôte la bride du désespoir). L’usage de ses deux actes a fait pivoter le poème autour d’un dualité charnière : "ce qui est" / et ce qui devrait être.
Le premier élément est apparemment un état de tiédeur sentimentale dû au manquement de l’être cher à ses responsabilités envers elle. Ce qui est inacceptable dans une union fusionnelle. Quant au second élément, c’est vraisemblablement le retour souhaité à l’état initial lorsque le sentiment qui les lie était au summum de son intensité.
Le style baigne, comme d’habitude, dans un romantisme intense inspiré, sans doute, de l’œuvre du grand Gibran. Et cela se remarque dans le ton plaintif et mélancolique et la profusion du lexique de la nature.
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