dimanche 8 novembre 2015

La compagnie au hasard dans la nuit

POÈME DU JOUR : LA COMPAGNIE AU HASARD DANS LA NUIT 

Par : Alain Minod 
Photo du poète Alain Nemo

1. Biographie : 

Alain Minod est né le 27 juillet 1946 à Feldkirch (Autriche) et habite à Paris. Il a fait des études philosophiques à l’université Paris 8 et à l’université de Vincennes-Saint- Dénis .Il a travaillé successivement comme ouvrier, postier et professeur. Sa poésie qu’il tient à publier sous la dénomination « Écriture et poésie » se place pleinement dans le genre expérimental dont l’objectif est d’écrire en dehors des normes préétablies et en l’absence de tout modèle préconçu et de purifier la langue des sens lexicaux dénotatifs. Et ce, en poussant l’acte langagier dans des sentiers non-battus et en faisant éclater les associations établies entre les mots dans le langage commun pour les remplacer, à chaque pas, par des combinaisons inédites qui ouvrent sur des mondes inexplorés. Ce qui a pour effet d’ouvrir la langue sur des galaxies de significations nouvelles qui dépasseraient les capacités imaginatives de l’être humain et donner au lecteur l’impression de voyager dans un univers de rêves. Et puisque cette façon de concevoir la poésie se focalise sur l’acte d’écrire lui-même, il ne peut y avoir aucune dissociation possible entre la forme et le contenu car cet acte découle obligatoirement d’un arrière-fond phénoménologique et philosophique.

02. Le Poème : 

Le souffle par lequel se déroule compagnie
T'insuffle des airs où tu fabriques ton nid
Mais – malheureuse resterait cette promesse -
Si bien fabuleuse ne demeurait ta liesse
Et les écoutes-tu ces voix qui veillent -
Qu'elles ne sauraient traduire tout ton éveil
Sans ta juste bienveillance pour leur vertu
A les réveiller tes rêves qui s'étaient tus
Oui ! Toujours à l'improviste renaît ta vie
A qui jamais tu ne peux demander l'avis -
Sans-cesse vraiment – à demander l'impossible -
Tu passes toutes tes propres amours au crible
Quand la moindre de leurs chansons reste fidèle
Tu trouves dans la compagnie ces grandes ailes
D'où - grande rage et pesanteur évanouies -
Tu le trouves ton courage– intact dans la nuit
Tu tournes la page de la mélancolie
En ouvrant ton âge au seul grand livre où tu lis :
Celui où bruissent –confidences sur les lèvres -
Entre des silences – des secrets jamais mièvres
Tout ce qui – du partage– casse la terreur -
Outrepasse toutes les petites erreurs
Et ce que les amitiés de rencontre anime
S'arrime au temps qui fuit mais jamais ne le mine
Et là où l'envol de tes vers t'as amené
Poète ! Tu l'as volé aux âmes bien nées :
Ce mystère des solitudes partageuses
Dans la belle altitude d'une terre heureuse
Mais – qu'importe toute misère – dirais-tu ?
Sais-tu : la belle amitié ne peut l'avoir tue
Et – à travers elle –peut encore s'étendre
Le tendre – donc pour toute pauvreté – 
s'éprendre !

L'analyse :

Le chemin le plus court pour espérer déceler le noyau sémantique de ce texte qui apparaît à première vue comme impénétrable serait de suivre tous les indices minimes soient-ils se rapportant à la clarté et à la visibilité .Et ces indices bien qu’ils soient peu nombreux, nous renseignent que le locuteur qui est lui-même allocutaire se brosse en tant que poète ( Poète ! ) une image de chasseur d’instants fugitifs c.à.d. de moments d’inspiration ,lesquels lui procurent, selon ses dires, la sérénité , la paix intérieure et même le bonheur, la joie et l’allégresse (le souffle par lequel se déroule compagnie - t'insuffle des airs où tu fabriques ton nid - tu trouves dans la compagnie ces grandes ailes - tu tournes la page de la mélancolie - ce mystère des solitudes partageuses dans la belle altitude d'une terre heureuse).Si nous nous penchons maintenant de plus près sur cet état d’âme très particulier , il nous apparaît d’abord complètement inattendu (toujours à l'improviste renaît ta vie ) et consécutif à l’effet d’une source inconnue (les écoutes-tu ces voix qui veillent ?), mais un effet clairement bénéfique puisqu’il fait éprouver au poète cet étrange plaisir spirituel apaisant.

Récapitulons : le poète , le vrai , vit, comme tout assoiffé de sens, dans une solitude intérieure atroce mais heureusement que l'inspiration poétique est là pour lui tenir compagnie et le faire sortir de ce désert affectif aride et sombre bien qu’elle ne réponde jamais à son appel et surgisse toujours en lui sans préavis. Ce qui veut dire que le vrai poète est celui qui va vers la poésie mais celui qui la reçoit de la même façon que les prophètes reçoivent la révélation Sur le plan stylistique, ce poème a été conçu sous la forme d’un tissu épais de connotations sombres parsemées de points lumineux et étincelants.

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