Victor Hugo fut, historiquement, un enfant de la Révolution. En 1794, le soldat "bleu" Léopold Hugo, qui appartenait à une famille d'artisans de Nancy et, qui s'était enrôlé très jeune, est envoyé par la république mater la révolte de Vendée. Il y rencontre, à Chateaubriant en 1796, Sophie Trébuchet, née dans la bonne bourgeoisie nantaise et, ils se marient l'année suivante malgré une infidélité de Hugo. De cette union assez malheureuse à vrai dire vont naître trois enfants : Abel (1798), Eugène (1800) et Victor (1802).
Petite biographie de Victor Hugo :
Parcours littéraire de Victor Hugo |
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Résumé de sa vie :
Victor-Marie Hugo vit le jour, le 26 février 1802 à Besançon où son père était en garnison. Prématuré semble-t-il et de très faible constitution, il fut conçu – son père le lui écrira – au sommet de Donon, un des pics les plus élevé des Vosges. Les parents attendaient une Victorine mais il a bien fallu admettre que cette Victorine était devenue un petit Victor.
A Besançon, l'incorrigible Léopold va se précipiter dans une querelle avec un chef de brigade nommé Guestard. Il va vertueusement dénoncer ce supérieur dont certains agissements s'apparentent, certes, à des trafics, mais n'en reste pas moins un supérieur. Une enquête confiée à l'honnête général Lecourbe va donner tort à Hugo, et, dans un rapport, le qualifié d'intrigant. Sa disgrâce est proche : Hugo est muté à Marseille en même temps que tout le régiment.
Mais les autorités, en déplaçant la brigade ne font que changer le lieu de l'affrontement. Neuf mois après son arrivée à Marseille, Léopold est en disgrâce et on lui refuse maintenant presque toute permission. Il décide d'envoyer Sophie à Paris auprès de Joseph Bonaparte (devenu un "ami" lors de la signature d'un traité avec les Autrichiens, à Lunéville, début 1801) pour tenter une démarche en sa faveur. Elle s’y attarde auprès du général Lahorie, opposant à l’Empire, également ami de Léopold depuis Lunéville, et parrain de Victor.
Sophie ne rejoint mari et enfants, en corse cette fois, que près d’un an plus tard. L'accueil est plutôt réservé entre les deux époux : Hugo a eu une liaison avec Catherine Thomas, la fille de l'économe de l'hôpital ; Sophie, soit parce qu'elle ne voulait pas trahir Lahorie, soit parce qu'elle s'était à l'avance promis de ne plus s'abandonner à ce désir marital auquel elle ne s'était en vérité jamais résigné, se refuse à Léopold. Peut-être les deux raisons à la fois. A Léopold, elle s'est contentée de lui indiquer qu'elle ne voulait pas de quatrième enfant.
Tout est dit : Sophie, au lit comme ailleurs, ne supporte plus Léopold. Usant avec habilité de tous les prétexte, elle lui arrache, quatre mois plus tard, l'accord de rejoindre Paris avec ses enfants. Au moment où Victor quitte l'île, il va avoir deux ans.
Léopold, qui connaîtra une ascension fulgurante dans la hiérarchie militaire en devenant général dès 1809, arrive au service de Joseph Bonaparte, roi de Naples et participe, en 1806, à la "pacification" du royaume (arrestation de Fra Diavolo et ses complices) en accédant au poste de gouverneur d’Avellino. Il aura les mêmes tâches en Espagne, où il suivra Joseph deux ans plus tard, et deviendra même comte de Siguenza.
Pendant ce temps, Sophie qui a de moins en moins de ressources à Paris, décide de rejoindre avec ses enfants, Léopold à Avellino, sans le prévenir, pour profiter de la réussite de son mari. Or elle choisit le plus mauvais moment. La liaison de Léopold avec Catherine s'est fortifiée de garnison en garnison. La cohabitation publique avec sa maîtresse signifie que Léopold a renoncé à Sophie. Pour éviter la rencontre, Hugo affirme à Sophie que son palais n'est pas digne d'elle et que seul un soldat comme lui peut y résider. Il lui loue aussitôt un appartement à Naples. Sophie et les enfants n'y séjournent que quelques mois et en repartent à la fin de l’année 1808. Hugo entre-temps a quitté Naples pour l'Espagne.
De retour à Paris, Sophie et ses enfants s’installent impasse des feuillantines, grande demeure avec un parc immense et où vient vivre caché le général Lahorie (Septembre 1809). Victor y fait la connaissance d'Adèle Foucher.
D’un côté, l’univers maternel organise une enfance parisienne magique au " paradis " des feuillantines, où Victor apprend la nature et Virgile. De l’autre, le rêve napoléonien auréole de son héroïsme et de ses victoires un père absent et mythique.
Le conflit entre le couple Hugo va tourner à la blessure. En 1811 après avoir "dilapidé" l'argent adressé par Léopold, Sophie décide de partir pour l'Espagne. Après la traversée de ce pays occupé et ensanglanté, un choc attend les petits Hugo. Léopold qui accepte mal la venu de sa femme demande le divorce (soumis au code Napoléon) en invoquant une humeur "ambitieuse" et "impérieuse", et la folie d'avoir entrepris un tel voyage. La requête est signifiée à Sophie le 10 juillet et les trois enfants sont remis à leur père. Ce dernier les enferme au collège des Nobles de Madrid. Cet établissement va se révéler exactement tel que Victor et Eugène pouvaient l'imaginer ; c'est-à-dire une noire pension catholique et anti-française, dont ils se vengent par leur écrasante supériorité scolaire. Mais grâce à l'intervention du roi Joseph, Sophie rentre en France, en 1812, avec Eugène et Victor, Abel restant auprès de son père, dans l’armée.
De cette Espagne Victor emportera l'image de Pepa une fille de marquis qui "dansait dans un rayon d'or" ; et quelques clichés que l'on retrouvera dans Bug-Jargal, Lucrèce Borgia, Ruy Blas ou Hernani. L'Espagne de Hugo, est faite de sang, de mort - et de volupté. L'essentiel, peut-être, c'est que le petit garçon n'est pas loin de se sentir responsable de ces horreurs qu'il a traversées. "Moi, je me croyais un homme. Etant en pays conquis". Ces horreurs-là étaient nées de la volonté de tout un peuple de reconquérir sa liberté.
Les frères Hugo retrouvent les Feuillantines, les bibliothèques où ils se "vautrent", et la petite camarade Adèle Foucher.
A l'automne 1812, le général Lahorie, arrêté aux Feuillantines et mis en prison quelques mois plus tôt, est mis en cause dans l’échec du coup d’état contre Napoléon et fusillé. C’est probablement à cette époque que Victor commence ses premiers textes et dessins.
Au même moment, en Espagne, les Anglais, secondés par les guérillos, repoussent les français. C'en est fini des espoirs espagnols de Napoléon. Au printemps 1813, Léopold et l'armée française quitte Madrid, passe les Pyrénées par le col de Roncevaux et rejoignent Pau.
A sa demande, Hugo rejoint alors la Grande Armée en Allemagne début 1814 et reçoit le commandement de la place de Thionville qu'il défend jusqu'au bout. Abel, quant à lui, rejoint sa mère et ses frères à Paris.
Après l'Italie et l'Espagne, Sophie n'a pas changé de tactique. Au printemps 1814, elle fait irruption à Thionville sans être annoncée pour récupérer de l'argent. S'ensuit alors une procédure de requête en divorce demandée par Léopold. Le 23 juin, de retour à Paris, Sophie trouve le juge de paix occupé à apposer les scellés sur les portes de son appartement. Elle se réfugie chez les Foucher, court chez un avocat qui conseille un référé. Ces formalité dure dix jours. Pendant ce temps, Victor et Eugène sont gardés chez la veuve Martin, la sœur de Léopold, personnage dur, autoritaire et vulgaire.
Le président du tribunal de la Seine donne raison à Sophie. Le 5 juillet, elle peut réintégrer son appartement et les enfants rejoignent leur mère. Léopold à qui on vient de mettre fin à ses fonctions à Thionville, rejoint Paris accompagné de Catherine Thomas. Faute d'un autre champs de bataille, c'est une guerre judiciaire qu'entame le général.
Le 26 janvier 1815, un référé donne raison au général. Le 10 février le jugement est exécutoire ; Hugo entre en possession des biens de la communauté, somme Sophie de se rendre dans l'appartement qu'il a loué - elle ne peut qu'accepter la loi l'y oblige -, et ordonne aux enfants de rassembler leurs affaires et de l'accompagner sur le champs. Victor et Eugène sont mis à la pension Cordier, avec interdiction d'en sortir, même pendant les vacances. Ils vivent tragiquement le conflit de la mère et du père et la séparation définitive qui le conclut. Toutefois le tribunal va juger que Léopold a outrepassé certains des droits pourtant exorbitant que le Code accordait alors au mari sur sa femme. Un référé décide que Sophie demeurera en possession de son logement et de ses meubles. Une ordonnance du président du tribunal fixe un domicile particulier à chacun des époux. Il est enfin décidé que Sophie recevra de Léopold une pension de 100 francs par mois, Abel poursuivra sa carrière militaire, mais Eugène et Victor resteront à la pension Cordier sous le seul contrôle et aux seuls frais de leur père. C'est fini. Léopold et Sophie ne se reverront plus. Jamais.
Victor s’ennuie à la pension. Pour se distraire il remplit de vers trois cahiers Les cahiers de vers français (1815 - 1818). Beaucoup de pièces dans le goût de L’Almanach des Muses, des charades, des énigmes, des épigrammes, des fables. Des traductions du latin, aussi, de Virgile en particulier. Et surtout son célèbre : "Je veux être Chateaubriand ou rien.". Car ces années-là, Chateaubriant domine tout, sa gloire est immense.
En 1816, Victor, en même temps que son frère Eugène, son rival en poésie, écrit une épopée en trois chants, Le Déluge, dont le merveilleux chrétien avoue l’influence du Génie du christianisme. Elle s’accommode de la domination de Voltaire : comme sa mère, Victor est "royaliste voltairien".
De l'année 1817, fort obscur par ailleurs, ce que l'on retient c'est le concours proposé par l'Académie Française. Victor y participe en cachette et publie son premier poème "Le Bonheur" que procure l’étude dans toutes les situations de la vie. Classé 9ème, il reçoit "les encouragements" de l’Académie. M. Cordier conscient de la gloire soudainement jetée sur sa pension accorde aussitôt à Victor l'autorisation de sortir au jour de son choix. L'existence de Victor est transfigurée : il sort, rentre quand il veut, rencontre les académiciens, en un mot il s'épanouit. Cela abouti à la rencontre avec l'académicien François de Neufchâteau ; ce dernier lui propose d'écrire une étude sur les sources espagnoles du Gil Blas. Quelque temps plus tard, Victor apporte son travail à M. de Neufchateau qui l'insère sous son nom, sans en changer un seul mot, dans la nouvelle édition de Gil Blas qu'il publie. Ce qui apprend à Victor que lorsqu'on est arrivé, on peut tout se permettre.
Quelques jours avant ses seize ans, le long combat qui, depuis tant d'années, opposait Léopold et Sophie s'achève enfin. Le tribunal prononce un jugement de séparation de corps et de biens. Arguant que le général ne réside pas à Paris, le tribunal accorde la garde des enfants à Sophie. De plus elle obtient une nouvelle pension, à charge pour elle de participer à l'éducation, à la nourriture et à l'entretien de ses fils. Ce que viennent de conquérir les frères Hugo, c'est tout simplement la liberté.
Puisqu'ils sont maintenant maîtres de leur destin, Eugène et Victor fomentent à la fin de l'année scolaire 1817 - 1818 un de ces coup d'état qu'affectionnait leur mère. Ils parviennent à convaincre leur père, qui les destinait à Polytechnique, à les inscrire à la faculté de Droit et à recevoir une petite rente.
Joie infinie : le 8 septembre, Eugène et Victor quittent la pension Cordier pour aller demeurer chez leur mère. Aussitôt entrés dans l'appartement, Victor et Eugène se mettent en quête d'un cabinet de travail. Pour étudier le droit ? Non bien sûr. Pour faire des vers. Officiellement Victor n'achève que ses études secondaires. Il ne franchira plus jamais le seuil d'une école.
L’enfance de Victor s’achève alors, mûrie par la violence de la guerre, de la désunion, des injustices, des abandons, auxquels Quasimodo, Cosette et Gavroche feront l’écho.
L'année 1818 marque pour Victor Hugo l'accès à la liberté, certes, mais surtout l'engagement dans cette carrière des lettre qu'il appelle depuis tant d'années de ses vœux.
A cet instant, se multiplient les odes vengeresses où la lamentation sur l’hydre de l’anarchie se mêle à la prophétie du malheur, d'où un couronnement du poète par l’Académie des jeux Floraux de Toulouse (l'équivalent du Goncourt aujourd'hui), pour une ode sur le rétablissement de la statue d’Henri IV (1819), qui saluent sa virtuosité et sa docilité politique.
C’est aussi le premier aveu amoureux avec Adèle Foucher et réciproquement. Mais il n'est pas question de confier cet amour-là à leurs parents. En 1819, cela ne se fait pas. Ce sont les parents qui choisissent à une jeune fille son futur mari, à un jeune homme sa future femme. Bien que se cachant, les parents d'Adèle apprennent cet idylle. Ils courent chez Sophie Hugo. Elle pense que ce n'est qu'un badinage, une affaire d'enfant. La vérité est toute autre et Mme Hugo s'en retrouve consternée ; elle qui, depuis les succès de Victor, lui porte une admiration qui s'est hissée à des hauteurs incommensurables. Pour son fils elle prévoit un avenir éblouissant. Comment pourrait-elle envisager de donner à son éblouissant Victor une petite fille si effacée ? Donc elle est catégorique, jamais un mariage comme celui-là ne se fera.
La séparation entre Adèle Foucher et Victor est alors inévitable.
Une fois de plus déchiré et trahi, Victor se tait, mais ne s'incline pas et dans l’attente entame une correspondance secrète avec Adèle et se sont les admirables, naïves et tragiques Lettres à la fiancée (1819 - 1820).
Sa mort :
Après un dernier voyage en Suisse, d'abord sur le Léman puis à Veules où il fait une courte allocation aux écoliers, Hugo atteint de congestion pulmonaire décède le 22 mai 1885. La Chambre et le Sénat votent à la quasi-unanimité ses obsèques nationales. D'abord exposé à l'Arc de triomphe, où son corps est assez joyeusement veillé par le peuple, il rejoint le Panthéon, rendu à cette occasion par la république à sa vocation révolutionnaire : recevoir les grands hommes de la patrie. Bravant la force de la mort, 2 millions d'hommes et de femmes crient "Vive Victor Hugo!".
A sa mort, Hugo laisse de nombreux manuscrits qui feront l'objet de publications posthumes : Théâtre en liberté, La Fille de Satan (1886), Choses vues (1887 - 1900), Toute la lyre (1888 - 1893), Alpes et Pyrénées (1890), Dieu (1891), France et Belgique (1892), Les Années funeste (1898), Post-scriptum de ma vie (1901), Dernière gerbe (1902), Océan, Tas de pierres (1942).
Victor Hugo fut peut-être, de tous les écrivains français, le plus remarquable par la longévité de son inspiration et par sa parfaite maîtrise technique. Aussi aborda-t-il tous les thèmes, utilisa-t-il tous les registres et tous les genres, allant de la fresque épique au poème intimiste. Son influence est encore aujourd'hui incommensurable. Certains de ses textes d'observation comme Choses vues ou de ses textes critiques comme Littérature et philosophie mêlées ou William Shakespeare témoignent, s'il était besoin, de la cohérence esthétique et de la plénitude de l'œuvre hugolienne.
Hugo enfin est le seul, par la durée même de sa vie et sa coïncidence avec son siècle, à en rapprocher les bords : Balzac meurt en 1850, Zola naît en 1840. Nul autre que Hugo ne put mesurer d'une seule œuvre la démesure du XIXe siècle. Il incarne à la fois la jeunesse romantique du siècle, sa maturité violente et sa légende. Si Gautier, Musset et Dumas furent comme lui les enfants terribles du romantisme, la mort ou l'assagissement les ont exclus de ce rayonnement accru par les combats de l'exil et la gloire républicaine, de cette métamorphose amalgamant l'homme et son œuvre dans un personnage mythique.
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