Martin Luther : Frère augustin, théologien et professeur d'université (Eisleben - Allemagne 10 novembre 1483 ~ 18 février 1546 ).
Courte biographie & Principales œuvres :
Luther Martin. A la noblesse chrétienne de la nation allemande. ; 1520.
Oeuvre de Martin Luther (1483-1546), parue en juillet 1520 et premier geste vraiment révolutionnaire du réformateur allemand. Ni l'affichage des quatre-vingt thèses à la porte de l'église du château de Wittemberg (octobre 1517); ni même la hardiesse de quelques-unes d'entre elles n'outrepassaient le ton académique ordinaire, et les polémiques qui s'ensuivirent n'avaient pas excédé jusqu'alors les limites que pouvait autoriser l'Eglise. Mais, persuadé désormais de sa condamnation imminente et de l'inutilité de toute tentative pour obtenir, de la hiérarchie ecclésiastique la réforme de l'Eglise, Luther décida de faire appel aux laïques: l'acte était lourd de conséquences. Luther traite tout d'abord de la cause qui l'a déterminé à agir. Il ne s'adresse pas à l'autorité politique, mais aux princes "chrétiens", membres de l'Eglise, investis, par leur fonction publique, de responsabilités précises. Il les exhorte à fonder en Allemagne un christianisme national indépendant de l'Eglise romaine. Dans son livre, Luther affirme que la différence entre l'état laïc et le sacerdoce n'est pas une différence d' "état", mais de "fonction". En vertu de leur Baptême, tous les chrétiens bénéficient de l'état de grâce et, selon l'expression de saint Pierre, ils représentent "un sacerdoce royal et un royaume universel". Laïques et prêtres, étant membres du Corps mystique du Christ, sont étroitement responsables du bien-être de cet Etat spirituel. L'ordre clérical venant à manquer, les laïques peuvent être appelés à réformer l'Eglise au point de vue juridique et à convoquer un Concile libre, afin de se prononcer sur les questions de foi et de discipline, selon l'autorité des Saintes Ecritures. Suit la liste des réformes nécessaires pour libérer l' Allemagne de l'emprise de la Papauté. Qu'on supprime les impôts et autres lourdes contributions exigés par Rome.
Qu'on reconstitue l'épiscopat allemand en confiant, selon l'ancienne coutume, la consécration de l'évêque aux deux évêques les plus proches du diocèse vacant. Que la juridiction de la Papauté soit réduite à une instance spirituelle supérieure et que la primauté sur les princes séculiers et sur l'Empereur lui soit refusée. Qu'on rende facultatif le célibat des prêtres. Qu'on ramène la discipline à la forme spirituelle primitive par la suppression de peines telles que l' Interdit, sources de péché et de ruine pour les âmes. Les jours de fête devraient être limités au dimanche; les pèlerinages seraient défendus en raison des abus qui en découlent; la mendicité supprimée. Il faudrait diminuer le nombre de couvents et leurs privilèges et permettre, à celui qui le demande, de communier sous les deux espèces d'après les usages tchèques. On envisage ensuite la réforme de l' Université des Ecoles (moins scolastique, moins d'auteurs païens; étude de l'Evangile et de la Bible); une réforme sociale (abolition des maisons closes) et une réforme économique, agraire et anticapitaliste (contrairement à Calvin, Luther condamne comme "usure" tout prêt à intérêt). Cet ouvrage de Luther est d'une importance capitale pour l'histoire de la Réforme, parce qu'il donne un aperçu concis et complet des forces matérielles et spirituelles auxquelles Luther, dans son heureuse intuition, faisait appel pour mener à bien sa lutte religieuse. C'est précisément grâce à ces forces que la réforme triompha. Plus politique que religieux, l'ouvrage est l'appel à une guerre plus politique que théologique. L'appel, que Luther fait à l'Empereur, implique l'attrait d'une vengeance contre Rome et celui qu'il fait à la noblesse sous-entend la perspective de la confiscation des biens ecclésiastiques. La guerre religieuse de la Réforme démontre que cet appel ne fut pas inutile.
Luther Martin. De la liberté du chrétien. ; 1530.
C'est le troisième des écrits par lesquels Martin Luther (1483-1546) institua la Réforme; il fut publié à Wittemberg en 1520 en 1520 et il est sans doute le plus important des trois. La "liberté" réclamée par Luther dans la réforme de l'Eglise a, en effet, son fondement dans la liberté intérieure dont ce livre constitue l'apologie. Le chrétien est à la fois "un libre seigneur sur toutes choses" et "un erviteur volontaire en toutes choses". Ce paradoxe correspond à la double nature de l'homme, qui est chair et esprit, homme intérieur et homme extérieur. Les actes de l'homme extérieur: pratiques religieuses, jeûnes, pèlerinages, sont sans influence réelle sur l'homme intérieur, et ne peuvent "le rendre libre, pieux et chrétien". Seule est créatrice de liberté intérieure, la Parole de Dieu, c'est-à-dire l'Evangile. Par ce mot, Luther entend, au sens strict, la Bonne Nouvelle de la rémission des péchés et de la réconciliation avec Dieu par les mérites du Christ mort sur la Croix. L' âme qui accueille avec confiance cette joyeuse nouvelle devient fille de Dieu et épouse du Christ. Dans ces noces mystiques, les richesses spirituelles de l'époux, sa justice, sa dignité royale et sacerdotale deviennent la dot de l'épouse, tandis que la pauvreté et l'indignité de cette dernière sont voilées et recouvertes par ses richesses à lui. Epoux et épouse sont à ce point solidaires que Dieu, dans son jugement, ne distingue plus la valeur propre de l' âme; il la voit seulement "en le Christ", la considère comme "juste" en lui et pour son amour. C'est en cela que consiste la rédemption, qui n'a lieu que "par l'intermédiaire de la foi", en ce sens qu'elle n'est l'effet d'aucune oeuvre: seul, le bon arbre donne de bons fruits. Les œuvres : exercice d' obéissance, discipline ascétique, expression d'amour fraternel, sont une libre subordination à laquelle se rattache également la soumission aux règles et rites de l'Eglise, bien que l'homme intérieur, dans sa liberté, n'en ait aucun besoin. Cette doctrine devait recevoir le nom de "justification par la foi".
L'originalité de la pensée luthérienne est dans l'importance accordée au pardon divin comme fondement du salut chrétien. L' âme s'y abandonne avec confiance et peut dès lors se considérer comme virtuellement sauvée; elle n'agit ensuite que par reconnaissance et non pour conquérir son salut. Ce livre eut une immense diffusion, et son influence fut sensible dans tous les courants de rénovation spirituelle de l'époque.
Luther Martin. Dieu est notre forteresse. ; 1529.
Hymne évangélique de Martin Luther (1483-1546), inséré dès 1529, dans les recueils des hymnes de Wittenberg; c'est une réplique du Psaume 46.
Il fut écrit à l'époque où les Turcs, ayant envahi l' Autriche, étaient déjà sous les remparts de Vienne. L'hymne reflète ces années-là, riches en événements tragiques pour la nation et particulièrement pour Luther. Ce fut une époque de luttes civiles, de menaces extérieures, de maladies et de soucis spirituels. "C'est un rempart que notre Dieu, -C'est une forte armure -Qui nous garantit en tout lieu, -Si l'on nous fait injure. - Le vieil ennemi -N'est point endormi; -Au feu sa colère", "Si notre bras est impuissant - En ce péril extrême - Pour nous combat l'homme vaillant - Choisi par Dieu lui-même. -Notre défenseur, -C'est Christ, le Sauveur, - Dieu des Armées - Tout puissant Rédempteur -Des tribus opprimées." "On les verra bon gré, mal gré - Respecter la Parole. - Parmi nous Christ est adoré, - Son Esprit nous console. -Qu'on nous prenne argent, - Honneur, femme, enfant; - Laissez-les faire! - Le Christ aura pourtant - La victoire dernière.". Nous sommes en présence d'un hymne populaire et qui est resté tel, parce que convenant à un peuple encore imbu de la foi du moyen âge: hymne plutôt dramatique que spirituel. C'est surtout un hymne de crise nationale, comme l'hymne anglais "Dieu protège le Roi", qui lui ressemble, mais qui est plus ancien.
Par le prestige de son auteur, par sa puissance d'adaptation aux peuples et aux circonstances, par son fond symbolique et mystique, par les mots et la mélodie, c'est l'hymne protestant chanté aux heures des grandes décisions, des graves calamités publiques et des désastres nationaux.
Luther Martin. Hymnes sacrés. ; XVIe siècle.
Les "Lieder" religieux sont une des grandes oeuvres de Martin Luther (1497-1546). Au nombre de 42, ils furent composés, pour une bonne part, en 1523/1524; 18 furent publiés en 1524, dans l' "Erfurter Enchiridion"; 7 autres, la même année, dans le "Geistliches Gesangbüchlein" de J. Walther;
"Eine feste Burg" a été daté par Spitta de 1521; mais il est plus probablement de 1528, juste avant la Diète de Spire. Selon la source à laquelle ils puisent, on peut les classer ainsi :
- 1° certains sont tirés des Psaumes, comme "Dans une profonde détresse, je crie vers toi" du Psaume 130; "O Dieu du haut du ciel regarde en ce lieu" du Psaume 12 ; "Que Dieu nous soit miséricordieux" du Psaume 67; "Notre Dieu est une forteresse" du Psaume 46;
- 2° d'autres proviennent de séquences et d'hymnes liturgiques de l'Eglise romaine comme "Te deum laudamus", "Veni Sancte Spiritus"; "Media vita in morte sumus";
- 3° d'autres font revivre d'anciens chants religieux populaires; comme "Maintenant, prions l'Esprit Saint"; "Christ est ressucité"; "Sois loué, Jésus-Christ";
- 4° d'autres enfin sont d' invention originale, omme "A présent, réjouissez-vous, chers chrétiens";
Luther Martin. La captivité babylonienne de l' Eglise. ; 1520.
Ce livre de Martin Luther (1483-1546) fait suite, à trois mois d'intervalle (Octobre 1520), au manifeste: "A la noblesse chrétienne de la nation allemande". Tout d'abord, Luther explique qu'il a été obligé de s'opposer de plus en plus à la "tyrannie de l' Eglise" qui impose à l' Eglise elle-même une captivité semblable à celle de Babylone et que de continuelles polémiques l'y ont astreint. Il se propose de reconsidérer son bon droit à la lumière des Saintes Ecritures. Il réduit à trois les sept sacrements: Baptême, Eucharistie et Confession. Plus tard, il renoncera, même à considérer la Confession comme un sacrement à part, en la réunissant au Baptême dont elle est le complément.
Mais, affirme-t-il, il n'existe, en réalité, qu'un seul "sacrement" en divers "signes". Pour lui, l'idée de sacrement est lié à la doctrine de la "justifcation de la foi" (voir "La liberté du Chrétien"). Puisque la seule condition pour se sauver, c'est de croire avec confiance aux promesses de la miséricorde divine, il est d'une importance capitale que ces promesses soient manifestées de façon indiscutable aux consciences tourmentées. Dans ce dessein, ont été institués les sacrements, preuve incontestée de la grâce exprimée sous des "signes". Une telle conception empêche Luther de considérer le sacrement comme "oeuvre méritoire" et l' Eucharistie en particulier comme un "sacrifice" offert à Dieu.
En effet, celui qui communie ne donne rien, mais reçoit: or, le fait de recevoir ne confère ordinairement aucun mérite. Si on fait de la Messe un "sacrifice" et une oeuvre méritoire, on reconnait ainsi une des "chaînes" dont la Papauté se sert pour tenir en "captivité l' Eglise. Une autre de ces "chaînes" est l'interdiction du calice aux laïques, ce qui confirme l'idée d'une prérogative du clergé. Et la troisième chaîne est celle de la doctrine de la "Transsubstantiation" par laquelle le célébrant devient l'instrument d'un miracle physique. D'ailleurs, Luther n'entend pas du tout nier la réalité de la présence du Corps du Christ sous les espèces de l' Eucharistie, mais il combat la doctrine scolastique de la "transmutation" de la substance comme une doctrine due à l'influence de la philosophie d' Aristote. Pour montrer la possibilité de concevoir la présence réelle du Christ sans traiter de la transformation des éléments, Luther propose l'analogie du fer rougi: comme le feu pénètre chaque molécule du fer, ainsi le Corps du Christ compénètre les éléments eucharistiques (consubsantatio).
Luther traite ensuite du Baptême, et il nie que son efficacité puisse être effacée par un péché, même mortel, tant que substitue la foi c'est-à-dire la confiance dans la rémission des péchés uniquement par la grâce. La pensée du Baptême est donc, pour le croyant, une consolation inébranlable dans les adversités de la vie; c'est la promesse d'un retour toujours possible à la maison du Père Céleste. Le Baptême étant ainsi interprété, on voit que l'un de ses effets est de recouvrir et de matérialiser en lui-même l'action du sacrement de Pénitence, qui cesse dès lors d'être un sacrement à part. Luther traite ensuite des vieux religieux -fortement attaqués -et des autres actes sacrés: Confirmation, Mariage, Extrême-Onction, auxquels il dénie un caractère strictement sacramental, soit parce qu'ils n'annoncent pas la rémission des péchés (mariage), soit parce qu'ils sont réservés à une catégorie particulière de personnes (Ordination), soit parce qu'ils sont insuffisamment fondés sur la Sainte Ecriture.
Luther Martin. Propos de table. 1566.
Un premier recueil en fut publié à Eisleben en 1566, par Johann Aurifaber (Goldschmied, 1519-1579) qui avait été aux côtés de Martin Luther (1483-1546), dans les derniers temps de sa vie et avait assisté à sa mort. Certes, l'auteur a puisé directement dans ses souvenirs personnels, mais il se servit aussi largement des notes prises par d'autres personnes, spécialement des "Colloques" d'Anton Lauterbach. Avec les années, le recueil s'enrichit: dans l'édition de Forstemann et Bindseil (1844-1848), il se compose déjà de quatre volumes: et maintenant, dans l'édition critique des "Oeuvres", il constitue une section à part (Weimar, 1912-1921), composée de six grands volumes in-folio, édités par Ernst Kroner. Récemment, en 1930, Otto Clemens en a publié un excellent choix dans le huitième volume des "Oeuvres". Les "Propos" sont au nombre d'environ sept mille et sur les sujets les plus variés. Ce sont des confidences autobiographiques, des aperçus sur la théologie, les expressions d'une foi simple et sincère, des observations morales d'un bon sens souvent hardi et sans préjugés: lamentations sur la corruption du siècle, aneccdotes burlesques, atroces bouffonneries à l'adresse du Pape et de ses moines, expressions de tendresse pour sa femme, ses enfants, les fleurs, la musique; tout cela s'assemblant un peu au hasard, prononcé -comme le titre l'indique- à table, dans l'intimité de la famille et de l'amitié. Mais, à tous les points de vue, l'importance historique du texte est fort grande. Certains moments essentiels de la vie intérieure de Luther -comme son entrée au couvent, la crise qu'il y traversa, l' "expérience décisive" ("Turmerlebnis") qui le trempa définitivement pour la lutte, -nous demeureraient obscurs s'ils n'étaient pas éclairés par les "impromptus" de ses effusions dans la détente heureuse des agapes. Les changements et parfois aussi, à certains égards, les contradictions de son attitude, resteraient sur plusieurs points une énigme, si les "Propos de table" n'en offraient l'explication. Pour l'histoire de la langue allemande moderne, les "Propos" représentent un texte d'une valeur si essentielle que l'important vocabulaire des frères Grimm y a constamment recours. Et surtout, de chaque page surgit, vivante, parlante, la personnalité du Réformateur. L'exhubérante humanité de Luther, avec ses oppositions de sensibilité et de violence, l'élévation d'une grande âme et la verve populaire, s'exprimant dans une langue sans contrainte, se sont donné librement carrière devant des auditeurs implicitement admiratifs; c'est à la fidélité de ceux-ci que nous devons ce document humain d'un intérêt et d'une sincérité rares.
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