MALÉDICTOIRES
Par : Patrick Berta Forgas
Comme averties amours
au sud du pied de la terre !
Cet espace oublié où pleut
la détresse des nuits.
Cette solitude humaine
aux mains noircies
de saisir sans fin
les chairs obscures
de la Paix qui s’évade.
Comme dernière audience
aux minutes de l’ordre abattu …
Comme un bûcher de passions
qui se profile et murmure …
🌟
Les oubliées épopées populaires
du temps qui nourrissait l’avenir,
reviennent, démunies, comme angles
d’histoire à refaire, à redire.
Paroles et cris
dans l’ordre qui guette.
Des défilés, des fêtes sans ardeur
parce que le feu étincelle
déjà tout autour des guerres …
🌟
Toujours là,
la Liberté
abandonnée et blessée
au sol des terres
réduites,
cendres des pavés,
des espoirs désespérés,
des révolutions avortées
et voilées.
Toujours là,
la Liberté
aux noms des Grands.
Elle s’écrit et puis se tache !
Le livre a mangé
ses pages
de secret et d’amour.
Toujours là,
la Liberté
de se résigner humain,
de se défendre de tout
pour ne rien devoir
à ses normes d’intime doute.
La Liberté
aux membranes d’argent.
Toujours là,
au complot vivant
des dessertes de trottoirs.
Manifestations et hurlements.
Préjudice de vie
ou entame du blasphème …
🌟
Á nos ombres !
Parcours clignotants
dans l’instance des lumières.
Il existe des traces perdues
et des humeurs de tombes.
Flamboyants arrêts
aux subtiles farces.
La flamme est un lieu de vie …
Pardon aux mensonges
: je me lève !
Debout,
la vérité fait son malaise.
🌟
Commando des souvenirs
aux heures du cœur.
Combattants au terme
du sang qui fleurit …
Petite cage d’amour
avec bouquet de sueurs !
Contestation de la chair
qui se colore et brunit …
Quelques rayons et lueurs
pour imaginer le soleil
qui fait, si bien, le feu
des arrangements de rue !
C’est au grenier que grandissent
le désir et ses petits frères …
🌟
La pluie est cette amie
que les matins attendent
en preuve de ciel …
Cette aventure, de tempêtes
conjuguées et fortes,
qui ravage !
L’alliance a ses larmes,
sans terres, sans scènes …
Une saison de douleurs
Qui mettra toujours l’S
à l’allonge des jours.
© Patrick Berta Forgas
Commentaire et analyse du poème :
Dans ce long poème fragmenté en six volets distincts et portant le titre très significatif de " Malédictoire " , un néologisme qui y tient lieu de mot-clé , l’auteur se penche sur la vague de révolutions dénommées " le printemps arabe " qui ont éclaté au cours des cinq dernières années dans le monde arabe (au sud du pied de la terre ) et qui se sont toutes soldées par des échecs flagrants (les oubliées épopées populaires du temps qui nourrissait l’avenir, reviennent, démunies, comme angles d’histoire à refaire, à redire - des défilés, des fêtes sans ardeur parce que le feu étincelle déjà tout autour des guerres … - la Liberté abandonnée et blessée au sol des terres réduites, cendres des pavés, des espoirs désespérés, des révolutions avortées et voilées ).
Vues à travers la vision philosophique particulière du poète que nous connaissons déjà et que nous avions qualifiée à maintes reprises de " pessimiste sombre ", ces révolutions semblent lui donner, jusqu’ici , raison puisqu’elles se déroulent conformément à ses prédictions prophétiques concernant l’avenir de l’humanité en général sur terre. En effet , toutes les actions de l’être humain et parmi lesquelles ces révolutions, mues comme elles le sont par une soif intense de liberté et de dignité, sont vouées inéluctablement à un échec certain qui pourra être un jour l’extinction de l’espèce elle-même. Et les graines de cette malédiction sont à chercher dans l’essence même de l’âme humaine régie par le penchant inné et incurable de nuire à autrui , à l’environnement et à soi-même. Ainsi, l’épilogue malheureux auquel nous assistons de ces révolutions n’est qu’un maillon d’une longue chaîne qui se poursuit depuis longtemps et qui se perpétuera jusqu’à la catastrophe totale et définitive.
Né de cette vision obscure, le poème se divise en deux isotopies géantes interférées, reliées entre elles par le lien de cause à effet :
- La première est le comportement agressif et magouilleur de l’homme, dicté par le Mal substantiel qui le régit (toujours là, au complot vivant des dessertes de trottoirs - Flamboyants arrêts aux subtiles farces - pardon aux mensonges : je me lève ! - debout , la vérité fait son malaise - Quelques rayons et lueurs pour imaginer le soleil qui fait, si bien, le feu des arrangements de rue ! )...etc.
- La seconde est le désastre qui s’en suit (pleut la détresse des nuits - la Paix qui s’évade - l’ordre abattu - Le livre a mangé ses pages - un bûcher de passions qui se profile - la Liberté de se résigner humain - Il existe des traces perdues et des humeurs de tombes - une saison de douleurs qui mettra toujours l’S à l’allonge des jours… etc)
Sur le pan stylistique :
Le poète fait montre, encore une fois, grâce à ses larges capacités imaginatives et sa sensibilité esthétique aiguisée d'une grande habilité dans la purification de son discours des sens référentiels communs au profit des connotations et des sens seconds, le façonnant, de la sorte, sous forme d' une suite continue d’écarts totalement inédits . Ce qui constitue en soi une prouesse rarement réalisée.
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